Féminisation – le fracas des mondes

Depuis plusieurs semaines, lorsque je me présente auprès de partenaires, un mot revient systématiquement : « féminin ». A partir de là, un regard entendu, un rictus malicieux et un silence intervient.  Je dédramatise la situation par l’humour, souvent par automatisme. Mais la situation est assez révélatrice pour montrer les progrès à faire.

En créant un club de handball 100% féminin en juillet 2017, le Pont de Roide Vermondans Handball, des clubs mixtes, avec une politique mixte, ont revendiqué des aspects féminins (qu’ils ont réellement d’ailleurs) par réaction. Dès la naissance du projet PVH, l’objectif d’avoir une filière 100% féminines c’est imposé comme une évidence et un défi, dans une région ou le Handball est masculin. Sur 1800 licenciés sur Belfort – Héricourt – Pays de Montbéliard, moins de 500 sont des jeunes femmes. C’est peu.  Trop peu. Le projet que je mets progressivement en place a une destination symbolique : Mon poste de président sera un poste de présidente à terme. L’obsolescence est programmée et j’en suis le premier ravis.

Des paroles aux actes. La féminisation est encore un outil de communication. Une bonne action même. J’ai participé à plusieurs manifestations sur le sujet et l’analyse finale reste la même : « oui, oui il faut le faire, c’est important, c’est l’avenir. » le jour même l’échange est là, mais le lendemain on passe à une autre cause et chacun reste dans sa chapelle de peur de perdre ses territoires de conquête. C’est cela qui me chagrine.  Malgré les manifestations de bonnes intentions, la volonté de bien faire. Cela reste des déclarations. Une voix au milieu d’un désert luisant de regard curieux. Mais au fond cela reste une guerre sourde.

Si l’avenir du PVH sera bien aidé par une structuration et un cahier des charges fédérales organisés, cela n’est pas vraiment le cas dans le domaine du rugby féminin. Cette discipline souffre d’un manque de reconnaissance, alors que les résultats sont là, que des efforts importants ont été faits en termes de communication. Que le jeu est intéressant, surtout à 7. Mais l’image de violence  fait mal. Lors d’un échange avec l’équipe de Valdoie de Handball, les parents venant par curiosité au stade ont eu peur. Alors qu’il n’y avait rien de terrible. Ce n’est pas plus terrible que le handball. Mais l’image véhiculée par le rugby masculin et même pire, la masculanisation du jeu féminin démontre le chemin à parcourir. Je suis probablement le seul à le penser, mais j’estime que le jeu à 15 féminins est une anomalie. Le jeu à 7 est l’avenir pour les féminines.

Pourtant je salue les efforts de la fédération pour démocratiser la discipline auprès du public féminin (le rugby à 5 au touché par exemple qui est une piste de développement qui ne doit pas être séparée). Longtemps le Handball féminin a voulu copier les garçons, avant d’imposer son jeu plus tactique et moins physique. Longtemps le Tennis a voulu copier les garçons, avant dans les années 70 imposer son jeu plus tactique et moins physique. Tout le monde moque les scores de « tennis » du football féminin, mais le jeu est plus tactique et moins physique. Voilà c’est dit. Plus tactique et moins physique.  Une chose m’a choqué dimanche sur le bord du terrain. Le jeu proposé par notre équipe de Rugby, dont je suis aussi le dirigeant à Belfort, était moderne, adapté. Plus rapide aussi. Mais en face, la puissance et le jeu classique à 15 l’a emporté. Une mauvaise nouvelle finalement. Bruce Lee, dimanche n’avait pas raison en affirmant que « Remarquez que l’arbre le plus robuste cède facilement tandis que le bambou ou le saule survie en pliant sous le vent. »

L’avenir du Rugby Féminin en région à un long chemin à parcourir. La réussite passera par la succession d’échec. L’avenir du PVH passera par l’innovation et le temps. En réalité le futur de ses deux disciplines passera par l’imposition d’une organisation, d’un jeu et d’une nouvelle image.

La féminisation n’est pas d’imposer des quotas, de sexualiser la communication et de la limité à ses résultats, d’imiter les hommes, voir d’attendre le temps qui passe pour s’imposer, mais d’inventer son avenir. De prendre confiance en soi et de montrer son soi. Des actions ont été faites par le passé. Remarquable d’ailleurs. Il faut s’en souvenir sous peine de revivre la même histoire. Sans avancer.